Une quiche nommée loally

Mon nouvel environnement professionnel. De larges murs rose bonbon, des collaboratrices au sourire figé en tout lieu, la plupart vêtues à la mode de lycéennes frustrées. Une odeur d’huiles essentielles dans l’espace.

Un nouveau décor quelque peu apocalyptique. Une crèche pour adultes. Un jardin d’adultes.

L’heure de la crise m’a flanqué une sacrée raclée.

Ce matin encore, Colleen (faciès pâle comme un matricule suédois, lèvres rouge rubis, regard morbide et vide) se faufilait hors de la chatière du bureau en bois du gouverneur.

Elle allait immédiatement se pavaner dans le cabinet, et y feindre un ego doublé d’un pseudo pouvoir, qu’elle ne renvoie qu’à elle-même.

-       Jill, Sabrina, Sharon, Kassie (toutes au physique de Javotte et Anastasie), vous venez me tenir la main prendre un café ?

 Elles se ruèrent donc accompagner Colleen, mais d’abord se tirèrent les cheveux, se battirent et se marchèrent les unes sur les autres. Une à une, elles cirèrent les chaussures en daim, limèrent les faux-ongles, coiffèrent les cheveux ras de Colleen et riaient aux éclats de tout ce qui émanait du gosier de leur despote.

En effet, pourquoi négliger une augmentation mensuelle de 30 euros brut, et une heure entière passée à boire un café avec la douce et charmante Colleen, en arrivant au bureau dès le matin, puis une heure supplémentaire le midi, et une heure de récupération l’après-midi et une heure avant de partir ? Et puis, elle avait certainement besoin de compagnie, cette petite souris…

Jill, la favorite, prenait les reines du trône de Colleen lorsque cette dernière s’absentait longuement satisfaire aux besoins de J.T. Longuement ? Oui, car sous un bureau, cinq heures semblaient, pour n’importe quelle mission, suffisantes. Et dire quelle se vantait quotidiennement, je cite, d’être « la chef, parce qu’elle savait tout »…

Ce nouveau poste me perdit… Il fallait coopérer, et ce n’est évidemment pas ce que j’avais l’intention de faire. J’allais donc survivre et achever le but de ma venue dans ce cadre horrifique.

Je dus tolérer leurs discussions de mode, la prise d’un seul café en commun avec les belles-sœurs de Cendrillon, arrêter de fumer pour sauver 5 minutes sonores de ma journée et je ne sais pour quelle raison obscure, je surpris leurs discussions hardies à propos de leurs MST passées.

Je me suis donc demandée, tout naïvement : « Mais… Que fait-on, ici ?»

En fait, je m’étais questionnée à voix haute et quelqu’un je n’avais jamais remarqué (évidemment, il travaillait), m’avait répondu : « Ca dépend de qui. Ca dépend de ce que tu fais. Tu veux travailler ? On a du travail à te donner, mais tu peux toujours aller prendre des cafés, si tu veux.

Et là, tout a changé. On avait le choix d’être payé à prendre des cafés ou servir notre employeur. Etrangement, je voulais travailler. Cependant, j’avais vite compris que, dans ce cas, pour une quelconque augmentation, demande de congés, et humilité de la part de la hiérarchie, je pouvais toujours me brosser !

Ma mission achevée, je compris que l’ambiance de la crise était bien plus grave. Chercher du travail pour travailler était d’une grande difficulté et pourtant, ce sont de loin les travailleurs actuels de cette agence, par exemple, qui se trouvent au premier rang d’actifs bûcheurs et compétents, où l’on prône l’insolence et le non respect envers les employeurs, la paresse, l’abus et la perversion croissante. Au moins ici, ils auront besoin de moi…